La ministre des Finances et vice-première ministre Chrystia Freeland a déposé hier à Ottawa le premier budget depuis les élections fédérales de 2021. Le budget, intitulé « Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable », évalue le déficit actuel à 113,8 milliards de dollars, ce qui est inférieur aux estimations de l’automne, et prévoit un déficit de 52,8 milliards de dollars pour le prochain exercice financier. Le Canada s’approchera de l’équilibre budgétaire en 2026-2027, moment où le déficit devrait être de seulement 8,4 milliards de dollars.
Pour les membres de l’AFGC, il est intéressant de noter que le budget de 304 pages, un document relativement court par rapport à l’histoire récente, mentionne les infrastructures à 90 reprises.
Avant le dépôt officiel du budget, on savait déjà que l’accent serait mis sur de nouveaux investissements dans la défense et le logement. Ces deux secteurs ont effectivement fait l’objet d’investissements massifs afin de relever deux des plus importants défis auxquels le Canada et le monde sont confrontés. Pour ce qui est de la défense, les forces armées recevront 8,5 milliards de dollars en nouveaux investissements au cours des cinq prochaines années. Plus de 10 milliards de dollars seront consacrés à la construction, la rénovation, l’entretien ainsi qu’à des modifications fiscales dans le secteur de l’habitation, afin d’accroître l’offre et la disponibilité des logements. Le budget insiste également sur le soutien aux personnes qui tentent d’acheter une première propriété.
Il met aussi l’accent sur la transition vers une économie plus propre. Bon nombre des investissements décrits dans le chapitre intitulé « Un air pur et une économie vigoureuse » visent l’infrastructure. Le budget n’avait pas le cadre nécessaire pour démontrer que l’infrastructure alimente la croissance économique à elle seule, mais il n’a pas lésiné sur les nouveaux programmes et les nouvelles initiatives qui occuperont plusieurs firmes membres de l’AFGC au cours des prochaines années. Les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques et les investissements dans ces chaînes sont particulièrement remarquables.
Les pièces maîtresses du budget touchent indirectement l’infrastructure. Il faudra recourir aux services de firmes de génie-conseil pour construire de nouvelles habitations, particulièrement lorsqu’il s’agit de grands complexes, mais les investissements dans la défense nationale ne sont pas axés sur les actifs d’infrastructure. Néanmoins, une pléthore de priorités en matière de croissance économique, d’énergie propre, de finances et de réaménagement des effectifs profitera aux membres de l’AFGC au cours des prochaines années.
Ce budget montre que le gouvernement fédéral est conscient de l’urgence accrue de dépenser les fonds déjà engagés en infrastructure. En même temps, le budget offre une flexibilité et des incitatifs supplémentaires aux propriétaires de projets – qu’ils soient du secteur privé ou public – pour se préparer rapidement à la construction. Il s’agit là d’un effort honnête pour stimuler l’activité économique dès maintenant, plutôt que d’épuiser des fonds qui ont été engagés à long terme. Les municipalités et les provinces n’ont aucun intérêt à laisser l’argent fédéral sur les tablettes, et les entreprises doivent s’attendre à avoir un emploi du temps plus chargé au cours des trois à cinq prochaines années.
Les nouveaux investissements dans l’électrification du parc automobile canadien, l’expansion du réseau et les petits réacteurs modulaires sont désormais plus tangibles. De plus, des fonds sont maintenant engagés pour le développement de chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques qui soutiendront le développement technologique dont les industries ont besoin pour se doter de technologies plus propres et plus vertes. Les bases sont jetées – métaphoriquement – pour d’autres mégaprojets et le gouvernement déroule le tapis rouge pour les investissements étrangers et d’autres investissements du secteur privé grâce à des mesures incitatives comme le Fonds de croissance du Canada et le Crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone.
Il est inquiétant de constater qu’il est peu question de perfectionnement des compétences et de formation, compte tenu des réalités démographiques du Canada et de l’engagement du gouvernement à multiplier le nombre de nouvelles constructions. De nombreuses entreprises, fournisseurs et entrepreneurs fonctionnent déjà à plein rendement et l’un des principaux goulots d’étranglement de l’économie semble être le manque de compétences, la pénurie de main-d’œuvre, ou les deux, selon le secteur et le segment. Le budget vise à alléger une partie de cette pression en améliorant le Programme des travailleurs étrangers temporaires de manière à faciliter le recrutement et la rétention des travailleurs pour les employeurs de bonne réputation. L’AFGC devra participer à ces discussions puisque le budget indique clairement que des détails suivront.
Notre industrie devra surveiller certaines zones grises. Il est inquiétant de constater que le gouvernement continue de faire la promotion de la vague notion d’« approvisionnement écologique » de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) tout en précisant que « de plus amples détails » suivront. Toutefois, cela peut aussi offrir à l’AFGC l’occasion d’exercer une pression pour que le processus d’approvisionnement fasse l’objet d’une réforme importante. SPAC a déjà lancé cinq appels d’offres mettant à l’essai la sélection basée sur les compétences (SBC) et en 2022, plusieurs études ont été publiées pour démontrer que la SBC peut donner de meilleurs résultats.
Enfin, l’AFGC devra également exprimer ses préoccupations dans un domaine particulier. Il y a deux semaines, le gouvernement fédéral a présenté un projet de loi pour autoriser le versement de 750 millions de dollars aux municipalités afin de combler les lacunes en matière de transport en commun. Il a maintenant l’intention de poser des conditions : pour obtenir ce financement les municipalités et les provinces devront verser des fonds de contrepartie et accélérer les travaux sur le logement. Ce genre de conditions pourrait créer un précédent susceptible de provoquer d’autres retards, ce qui va à l’encontre du programme de croissance énoncé dans le budget.
Dans l’ensemble, le budget présente un certain nombre d’occasions pour l’AFGC de se faire entendre quant au besoin d’une évaluation nationale des infrastructures. Les prochaines étapes consisteront aussi à mobiliser à nouveau les ministères et les politiciens pour discuter de la création d’un corridor d’infrastructure national, qui pourrait être un pilier essentiel de la coopération intergouvernementale autour des améliorations à l’infrastructure du réseau national, des chaînes d’approvisionnement pour les minéraux critiques, et d’autres projets d’édification du pays.